Qui est musulman, on le sait. Mais c’est quoi un musulman ? La question a le mérite d’être posée. Encore et encore. A chaque instant de notre vie. A soi-même, d’abord. Ici et maintenant, dans notre quotidien. Egalement dans tous les sphères de la vie, du business à la politique en passant par la culture et les loisirs.
Nous savons qui est musulman, mais le fait d’être musulman se limite-t-il seulement entre les murs de d’une mosquée ? Et quid de la musulmane ? Doit-on réduire son identité à un mode vestimentaire ? La jeunesse musulmane existe-t-elle ?
On parle aussi de journaux musulmans, de banque ‘islamique’, de quartiers musulmans ou encore de cuisine musulmane. Il y aurait même un ‘centre culturel islamique’. Accessoirement, il y a aussi des députés et ministres musulmans, alors que nous voulons simplement dire que ces personnes sont de foi musulmane. Dira-t-on aussi des fonctionnaires musulmans, des pompiers musulmans, des ingénieurs musulmans, des prisonniers musulmans, des drogués musulmans ? Y aurait-il une manière spécifique de ‘fonctionner’ jusqu’à de ‘se droguer’ lorsqu’on est musulman ? Doit-on aussi chercher, à l’instar de la bombe atomique musulmane, à avoir notre centrale de production électrique locale également musulmane ?
C’est en considérant le sens que nous donnons au mot ‘halal’ dans le contexte local que nous trouverons des éléments de réponse à ces nombreuses interrogations. Une histoire vraie : je me rends au comptoir d’un fast-food. Aucun moyen visible de savoir si la nourriture est comme on dit ‘HALAL’. Alors, j’interpelle le jeune employé, ‘Eski li garanti HARAM ?’. ‘Oui, bien sûr !’, répond-t-il. C’est, sans doute, la réponse qu’il donne aussi à la question évidente que lui pose directement de nombreux musulmans.
Or il existe bien des points de vente de produits certifiés ‘halal’, mais combien parmi eux sont respectueux des principes de l’islam, de l’éthique musulmane ou, tout simplement, de bonnes pratiques comme un service digne et respectueux vis-à-vis du client ? Sous le couvert du label ‘halal’, homologué par des institutions et des savants musulmans, certains épluchent des consommateurs, font des profits exagérés, exploitent leurs employés et abusent de la confiance de ceux qui se font un devoir de n’acheter que ce qui est certifié ‘halal’. Des chaînes de productions industrielles en amont se dopent à la force d’hormones, d’ingrédients chimiques et de déchets afin de multiplier la productivité. Les effets néfastes sur l’environnement ne se comptent plus lorsqu’il s’agit de faire de l’argent rapidement. C’est en apparence tout aussi halal qu’une banque qui a un comptoir pour la finance dite ‘islamique’ et un autre pour blanchir de l’argent sale.
Certains iront même jusqu’à faire les éloges ici de la sharia, ”compliant” plus au modèle économique dominant qu’aux principes de la foi musulmane. Cette sharia là n’a rien à faire avec la lapidation ou le voile. Et il ne faut surtout pas prendre la banque islamique pour une entreprise islamiste ! Et même si le Coran affirme que Dieu déclare la guerre à ceux qui prennent de l’intérêt bancaire, la finance islamique n’est jamais décrite comme ‘jihadiste’.
Au moment où même les lieux saints de l’islam sont encerclés par des temples du capitalisme néolibéral, doit-on s’attendre à plus de discernement ici à Maurice ? Un scandale ici, une affaire là-bas et un conflit plus loin, il faut se demander à quoi servent les musulmans dans ce pays ?
S’il s’agit tout simplement de se flatter d’avoir un nom musulman, alors nous nous sommes trompés sur notre identité. L’engagement du musulman, et de la musulmane, ne se limite pas à l’affichage d’une étiquette qui donne une forme ‘halal’ à sa vie. Au nom des principes universels de notre foi, nous devons nous engager pour transformer notre monde.
Mais pour l’immédiat, je vous propose de passer à la page Sport de notre cher journal musulman pour savoir les nouvelles du match Man Utd vs Chelsea ou à la page Bollywood pour le garammasala. Et d’en parler ad nauseam pendant toute la semaine…
Abu Abdallah