Humble appel à l’Hon. G.P. Lesjongard, Ministre de l’Énergie et des Utilités Publiques
- Afin que le public puisse mieux comprendre, rappelons que le Tariff 150C permet au consommateur résidentiel de payer moins hors des heures de pointe. C’est le cas déjà pour certains clients industriels et agricoles. Le CEB est également gagnant car cette mesure améliore l’efficacité de sa production et rentabilise ses investissements pendant la période « off-peak ». Le plus important c’est que ce tarif différencié, plus généralement appelé le Time-of-Use Tariff, réduit la dépendance sur les turbines à gaz qui brûlent du kérosène qui est très coûteux. Tout cela pour mieux gérer le déficit entre la demande et la fourniture, donc réduire le risque de délestage sur le réseau.
- Le Tariff 150C s’applique depuis 2021 seulement à certaines voitures dites « électriques». A l’heure des compteurs digitaux ou « smart-meters », la pratique de facturer selon l’heure d’utilisation peut facilement être étendu. A commencer par toutes les voitures électriques, selon la définition même de la Roadmap pour les véhicules électriques, publiée sur le site du Ministère. D’après ce document, l’objectif est de 26 000 véhicules électriques d’ici 2030, dont 15 000 Plug-in Hybrid Electric Vehicles (PHEVs). Or aujourd’hui le Tariff 150C exclut, contre toute logique, les PHEVs.
- Pour l’information des lecteurs, le PHEV est un véhicule électrique qui a aussi comme possibilité de rouler avec un carburant alimentant un moteur thermique (essence ou diesel). Sa particularité est qu’il peut être rechargé directement en électricité avec une simple prise de courant connectée chez soi au réseau du CEB. Il ne faut pas le confondre avec une voiture hybride normale qui ne peut être fournie en courant électrique du CEB, donc nullement concernée par le Tariff 150C.
- L’autre type de véhicule électrique est le Battery Electric Vehicle (BEV) qui est bien plus cher et bien moins commun à Maurice. On en compte 1 419 unités à la fin de juin 2023 et selon la Roadmap approuvé par le gouvernement il faudra atteindre 11 000 BEVs en 2030. Les BEVs n’ont pas de moteurs thermiques mais des batteries rechargeables avec une autonomie ordinairement de plus de 200 km. Ils bénéficient du Tariff 150C, mais ils sont éligibles également sous le programme du CEB d’être rechargés à partir de panneaux photovoltaïques, visant à atteindre un total de 10 MW ainsi installés, correspondant à 15 GWh dès 2027. A l’heure actuelle, nous sommes loin du compte avec le tarif de Gross Metering qui est proposé à ces ‘prosumers’. Le Tariff 150C demeure attrayant pour les BEVs, même s’il ne fait pas la belle part des énergies propres aujourd’hui.
- Avec le Tariff 150C, le kWh ou unité d’électricité est vendu par le CEB à Rs 4 entre 21h01 et 03h59 le lendemain, avec pour impact une meilleure maîtrise de la demande car entre 18h00 et 21h00 le tarif est à Rs 10 par kWh. De nombreuses études démontrent que ce Time-of-Use tarif peut baisser la pointe de la demande d’environ 7%. Bien sûr, il faut que les consommateurs puissent d’abord accéder au Tariff 150C. Démocratiser ce tarif afin qu’il ne soit pas exclusivement pour certains privilégiés commence par inclure les PHEVs qui sont plus abordables, particulièrement pour la classe moyenne. Les propriétaires de PHEVs ont des besoins plus modestes que ceux des BEVs et préfèrent ne pas se tourner vers les stations de recharge publiques. Home is best.
- Selon le Roadmap pour les véhicules électriques, le coût global d’achat et d’opération d’un PHEV n’est que de 4% de plus comparé à celui d’un BEV, mais à l’époque de cette publication l’essence se vendait à Rs 44 le litre seulement. Ainsi, afin atteindre 15 000 PHEVs d’ici 2030 avec une probable hausse du cours du baril du pétrole durant cette période, il est impératif d’étendre le Tariff 150C à ces derniers si le gouvernement tient à mettre en œuvre la feuille de route.
- Retenons que l’émission de CO2 moyenne est de 5% plus élevée pour un BEV sous le Tariff 150C contre celle d’une voiture à essence conventionnelle comparable. Pour un PHEV, l’émission serait presque la même que cette dernière sous le Tariff 150C, dépendant de l’utilisateur. D’ailleurs, il faut s’attendre à encore moins de CO2 avec l’objectif d’atteindre 60% de renouvelables sur le réseau électrique d’ici 2030.
- Selon le Roadmap sur les véhicules électriques du gouvernement, avec du ‘smart charging’ à l’instar de ce qu’incite le tarif 150C, la pointe de la demande baisserait de 25.5 MW à 12.7 MW par rapport à la demande liée aux véhicules électriques en 2030. Puisque 15 000 des 26 000 véhicules seraient du type PHEV, il est essentiel d’étendre à ces derniers le Time-of-Use tarif au plus vite. Il faut rappeler que l’autre Roadmap, celle sur les énergies renouvelables, dépend aussi de telles mesures de management de l’énergie afin d’atteindre un pic maximal de moins de 606 MW en 2030. Il serait vital alors de garder la pointe du soir à 9 MW inférieure à celle du jour et de limiter le ‘spinning reserve’ correspondant à seulement 30 MW. Pour faire simple, le tarif 150C est un outil formidable pour arriver à maîtriser la demande s’il couvre aussi les PHEVs et, sans doute, aussi d’autres utilisateurs énergivores à être déterminés ultérieurement.
- L’une des premières recommandations de la Roadmap, qui aurait déjà dû être appliquée, se réfère à la catégorisation auprès de la National Land Transport Authority (NLTA) des véhicules électriques en deux classes : PHEV et BEV. Aujourd’hui, les premiers sont qualifiés comme hybrides tout comme les deux autres sortes de véhicules différentes : 1) celle avec une traction électrique mais alimentée par un moteur thermique seulement et 2) celle avec une traction électrique et/ou mécanique alimentée par un moteur thermique seulement.
- Contrairement à la NLTA, les services de douanes contournent toute la confusion autour de la catégorisation des véhicules électriques et/ou hybrides grâce au système international d’harmonisation des codes « HS Codes ». Ainsi, les BEVs, qui bénéficient du « negative excise duty », sont clairement identifiables. Les PHEVs en sont exclus et ont des codes différents. Mais les PHEVs sont reconnus comme des véhicules électriques, de plein droit, car ils peuvent être alimentés par une source électrique externe comme le réseau du CEB. Et seulement de cette façon si le propriétaire décide de se passer de carburant liquide. Lui priver du Tariff 150C serait une injustice car déjà il ne bénéficie pas de la « negative excise duty » et il est frappé tant par la hausse du prix du carburant que par celle de l’électricité ayant une consommation mensuelle domestique de plus de 300 kWh avec le PHEV.
- Appel à l’Hon. G.P. Lesjongard, Ministre de l’Énergie et des Utilités Publiques, de s’inspirer non seulement des États Unis, de l’Australie ou de l’Europe où les PHEVs profitent pleinement du Time-of-Use tarif proposé par de multiples fournisseurs du marché libre et ouvert de l’électricité, mais particulièrement de l’exemple de l’archipel de Malte. Les déplacements au quotidien y sont comparables à notre contexte rendant les PHEVs beaucoup plus appropriés que les BEVs. En 2022, une campagne de promotion des PHEVs y a connu un succès si phénoménal qu’au bout de quelques mois le financement a été complètement souscrit et les délais de livraison des PHEVs s’étendent, désormais, jusqu’en 2024 en Malte.
- Humble requête, donc, à l’Hon. Ministre de l’Energie et des Utilités Publiques de trancher pour l’extension du Tariff 150C aux PHEVs. C’est une ‘policy decision’ qui donnera une autre dimension au transport et à la mobilité électriques. La promotion des énergies renouvelables n’en sera nullement compromise car la maîtrise de la demande n’est rien d’autre que son nécessaire complément. D’ailleurs, le programme du CEB pour l’installation de photovoltaïques pour ravitailler les véhicules électriques est en parfaite synergie avec le Tariff 150C, l’un devant suivre l’autre tôt ou tard, pour cohabiter éventuellement.
- A ce stage, la décision ne relève pas de l’Utility Regulatory Authority mais de la volonté politique, ou non, de diminuer notre dépendance sur ces carburants automobiles qui rapportent, aussi, tant de revenus aux autorités. Cette décision ne fragilisera pas non plus le CEB, mais lui offrira les moyens de mieux gérer la demande si critique aux heures de pointe, autrement qu’en se soumettant aux IPPs et à la dépendance sur le charbon. Les 800 GWh à partir de ce combustible annuellement, comme « base load », ne règlent pas le problème du pic de la demande et devront être remplacés d’ici 2030 par une fourniture provenant d’investissements nouveaux. Il y a là le défi de trouver des technologies plus diversifiées, plus décentralisées, plus propres, plus durables, plus efficaces et plus flexibles tout en assurant une stabilité du réseau dans l’ensemble. Or le Tariff 150C aux PHEVs va dans le sens d’une opportunité pour y arriver grâce à la contribution de la gestion de la demande.
- Cette décision, finalement, dévoilera s’il y a une vision, ou non, d’embrasser un avenir où le Vehicle-to-Grid, V2G, sera une réalité. Il s’agit de l’intégration intelligente de véhicules électriques qui pourront, non seulement s’alimenter en électricité du réseau, mais surtout décharger par leurs batteries l’énergie dont ils n’ont pas besoin. Cela se fera avec la motivation de tarifs attractifs, selon l’heure d’utilisation, du stockage ou de la production, dont le Tariff 150C n’est qu’un précurseur.
- En le remerciant de son attention, espérons que la décision de l’Hon. Ministre restera dans les annales, car le tarif 150C étendu aux PHEVs ne peut être qu’un premier pas vers une nouvelle culture de management de l’énergie dans tous les secteurs.
Professeur M. K. ELAHEE