Qu’attendons-nous d’une télévision dite ‘nationale’ ? En tant que citoyens qui contribuent Rs 150 mensuellement, nous avons droit à nous attendre à un service satisfaisant et adéquat. Ne parlons pas de politique, mais arrêtons-nous ici à ce qui devrait-être une mission première de la MBC : la consolidation de l’unité nationale.
Suffit-il de proposer des programmes culturels ou religieux cloisonnant chaque communauté dans la chaîne qui lui sont dédiée ? Même lorsque le journal télévisé couvre une fête ou un évènement socioreligieux, c’est une recette archi-répétée qui est servie à chaque fois. Des images complaisantes de gens qui prient, d’une famille de la communauté concernée qui passe à table, quelques mots d’un prêtre ou président d’association socioreligieuse. Si ces derniers se prêtent au jeu de faire les éloges de ceux qui gouvernent, alors ils peuvent s’attendre à une couverture abondante.
- Qurbani
L’Eid-ul-Adha qui a été célébrée vendredi ne peut se limiter surtout à la transmission d’une prière en direct de la circonscription du Premier Ministre. D’ailleurs, les musulmans sont à ce moment précis pris ailleurs par la même prière et par les préparatifs de la qurbani. Or lors des informations télévisées du même jour, le court reportage consacré à ce qui est la Eid-Al-Kabir, le grande Eid, ne fait même pas les titres de l’actualité. A la place, l’évènement-phare du jour à la une au niveau national est la visite à Maurice d’une actrice d’une série indienne.
Ce que nous attendons de la MBC ce n’est pas une autre couverture prière-repas-éloges mais de permettre aux concitoyens des diverses communautés de mieux se connaître. Beaucoup de personnes qui ne sont pas de foi musulmane ne savent pas que les musulmans ont célébré en ce jour, et aussi d’ailleurs les jours suivants, un moment très important de leur vie religieuse. Est-ce-que la MBC n’a pas la maturité nécessaire pour évoquer la qurbani, le sacrifice d’Abraham qui est presque synonyme de l’ Eid-ul-Adha ? Nous sommes bien loin de 1983 où une polémique, largement instrumentalisé politiquement, avait fait surface lors de la couverture de la ‘qurbani’ lors des informations de l’époque.
Ce que nous attendons de la télévision nationale c’est d’être un pont entre les gens de différents milieux. C’est l’indifférence, la méconnaissance et le mépris qui mènent à l’absence de respect, de dialogue et de tolérance. Quand la MBC échoue dans sa mission d’être un ciment pour consolider notre vivre-ensemble dans la compréhension de notre pluralisme, les pyromanes ont le champ libre pour inciter à la haine, particulièrement avec les réseaux sociaux.
- Mal inspiré
Doit-on penser que vis-à-vis de l’islam, la MBC est très mal inspiré ? Si c’est vrai qu’il y a des traditionnels programmes en ourdou les vendredis sur une chaine dédiée, il est un fait que peu se fait en matière de meilleure connaissance mutuelle. Sinon ce n’est que dans un seul sens. Aux heures de pointe, et sur plusieurs chaînes, y compris la principale, la rubrique ‘Sayings of Radha Krisnna’ est une excellente manière de faire connaître non seulement l’hindouisme, mais aussi des valeurs humaines qui sont d’une portée universelle. Les enseignements de cette chronique sont d’une grande sagesse. Est-ce-que les responsables de la MBC s’en inspirent ? Si c’était le cas, ils n’aurait jamais dû traiter le film controversé « Kerala Story » la manière qu’ils l’ont fait tout dernièrement.
Alors que le gouvernement avait agi prudemment concernant la polémique, et les autres médias du pays ont fait preuve de réserve, la rédaction de la MBC avait choisi de jeter de l’huile sur le feu. Lors des journaux télévisés, elle avait passé en boucle la partie de la bande d’annonce qui revendiquait que le film était inspiré de tant d’histoires véridiques. Cependant au même moment la justice au Kerala demandait d’afficher une notice, avant la projection du film, que ce n’était nullement le cas. La suite de l’histoire, nous le connaissons mais il serait utile au gouvernement de revenir sur ce qui aurait été un dangereux faux-pas de la MBC.
- Recrutement
Finalement, il faut aussi que les décideurs politiques réfléchissent au mal que leur fait la MBC en s’affichant comme une institution où il n’y a pas de diversité apparemment au niveau de sa direction. C’est aussi un des rares organismes où à chaque émission conçue localement, les noms des membres du personnel se défilent à l’écran. Il y a un sentiment, qui est plus qu’une simple perception, que le recrutement ne couvre pas tout le monde. Nous ne pouvons sans aucune preuve accuser quiconque de discrimination, mais y a-t-il une transparence, une méritocratie et une bonne gouvernance ne serait-ce qu’au niveau du recrutement ?
Il fut un temps où avec les Ahmadi, Peerally, Gunnoo, Itoola, Hosany et tant d’autres que nous nous excusons de ne pouvoir les citer tous, il ne pouvait y avoir une perception que la station musulmane était foncièrement antimusulmane. Ces illustres prédécesseurs étaient non seulement des professionnels compétents et intègres, aussi il formaient des ponts avec la communauté et forçaient le respect au-delà ce celle-là. C’était les ‘sahebs’ d’un autre temps, dans le meilleur sens du terme.