Une tombe pour patrie. C’est un poème que vient d’écrire Ananda Devi, grande dame de la littérature, une compatriote qui sera un jour Prix Nobel, in sha Allah. Mais il faudra un jury qui ne juge pas qu’il est antisémite de dire « Si nous acceptons que pour venger les morts On fasse de tout un peuple de nouveaux martyrs – Qui sommes-nous?».
Une tombe pour patrie, C’est bien la Palestine, car que restera-t-il quand Gaza sera rasée et la Cisjordanie, déjà occupée, décimée en des centaines de colonies? Que pouvons-nous attendre d’autre lorsque nous refusons de nous voir dans le visage de mourants, l’horreur n’eventre pas nos nuits quand l’aube n’apporte que les relents des ruines ou encore le mirage du soleil levant transforme la boucherie en moquerie»?
Une tombe pour patrie. Pourquoi? Est-ce seulement des mots qui ne vont pas plus loin que ma bouche? Et si le poème n’est que crachat dans le vent? Ananda Devi s’interroge si je n’ai pu faire du poème une patrie pour ceux qui toquaient à ma porte?». C’est notre humanité qui doit être remise en question de sorte qu’au lieu d’affirmer Qui sommes-nous?», nous dirons finalement Que sommes nous ?
POÉSIE-POLITIQUE
De la poésie à la politique, faisons le pont. Une tombe pour patrie, c’est déjà ce qu’évoque un peu l’écrivain irakien Salah al Hamdani, que cite Ananda Devi, á propos de ce que l’invasion américaine a fait de l’Irak. Point d’armes de destruction massive ou de démocratie à la fin, mais il s’agissait de s’approprier des puits de pétrole. En Afghanistan, bien avant le 11 septembre 2001, les plans d’une invasion étaient prêts en vue d’un pipeline traversant ce pays. Et aujourd’hui, que ce soit dans le nord de la Syrie ou en Libye, à qui profite le pétrole et le gaz de ces pays envahis, devenus depuis presque comme des tombes? Des patriotes y vivent, pas du tout ensemble. En Palestine, ensemble, ils meurent. Revenons sur trois dates à retenir.
18 juin 2023, d’abord, soit avant que ne débute tous ces massacres que nous témoignons. Les termes ne manquent pas génocide, domocide, demicide. Le gouvernement Netanyahu approuve l’exploitation de réserves gazières au large de Gaza. Déjà connues pour abriter plus d’un trillion de pieds cubique de gaz, soit l’équivalent de la consommation d’un pays comme l’Espagne, par exemple, ces réserves n’appartiennent nullement à Israël. Même dans la Cisjordanie, des réserves pétrolières existent bel et
bien.
En 2019 déjà, les Nations Unies soulignaient les coûts sur les populations palestiniennes d’une éventuelle exploitation de ces ressources. Leur rapport préconise une approche durable engageant pacifiquement tous les Etats et s’étalant sur plusieurs générations dans le respect
des droits des parties concernées, en particulier ceux des Palestiniens. Plus largement et plus récemment, Netanyahu proposait un corridor entre l’inde et l’Europe qui passerait par le Moyen-Orient. Il fallait comprendre que la Palestine poserait problème.
Ensuite, 30 octobre 2023. Au moment où on rapporte déjà plus de 8 000 tués à Gaza, Israël octroie douze licences à des multinationales pétrolières pour exploiter le gaz au large de l’enclave. Incroyable décision: un pays se dit en guerre vend des ressources sur lesquelles il n’a aucun droit. Il y a longtemps, alors ministre des Finances, Netanyahu en rêvait et en parlait même. Il ne reste plus aujourd’hui qu’à faire de la patrie des Palestiniens une tombe d’où jaillira cette énergie. Même si pour y parvenir il leur faut retourner la Palestine à l’ère fossile.
Enfin, 5 décembre 2023. Sommet de la COP sur le Climat à Dubai, aux Emirats Arabes Unis. Après 28 sessions annuelles, la grande trouvaille est qu’il faut une transition énergétique. Surtout pas de phase out, même pas de phase away des énergies fossiles, car les puissances politico- économiques dominantes n’en veulent pas. Sans que les victimes les plus vulnérables que sont Petits Etats Insulaires en Développement
PAR (PEID) puissent s’exprimer sur l’accord final, rendez- vous est pris pour 2024 à Azerbaïdjan, géant gazier et pétrolier, dont l’agence nationale a obtenu une licence au large de Gaza des mains des occupants israéliens. Parmi les grandes résolutions de la COP28: le gaz fossile sera incontournable comme énergie de transition.
CONCLUSION
• Si nos rêves se contentent de nous livrer au plus offrant… est ce qui décrit mieux le bilan de la COP28. Les décideurs et autres
dirigeants de ce monde ont échoué, mais chacun peut se demander si nul cri ne sort de notre ventre repu? En cette période de fin d’année, si les lumières de la fête – N’éclairent que l’ombre de nos pas-Qui sommes-nous?».
Nous ne savons plus qui nous sommes, car nous avons perdu notre humanité. Que sommes-nous, alors? Des objets finalement, car même la planète nous rappelle par sa résistance, que nous considérons comme un changement, que ce sont les hommes qui sont déréglés.