Avec l’assassinat d’Ismaël Haniyeh à Téhéran, sommesnous à la veille d’une guerre ? Laquelle ? Car, il y a déjà tout ce qui se passe en Ukraine ou encore à Gaza… même si ce dernier cas ressemble davantage à un génocide en cours. Une guerre ouverte au Proche- Orient risque d’avoir des conséquences planétaires.
Le fait que l’État sioniste ait attaqué, en toute apparence, le chef politique du Hamas en plein territoire iranien indique que l’inévitable n’est pas à écarter. D’ailleurs, le gouvernement de Netanyahu demeure silencieux sur cet assassinat. Ismaël Haniyeh a été tué alors qu’il était l’invité du régime chiite pour la prestation de serment de son nouveau président. Non seulement le lieu est révélateur, mais aussi le moment. C’est au tout début du mandat du président Pezeshkian qui se veut plutôt réformateur, ouvert et conciliant.
CONTEXTE
À peine quelques heures avant cet assassinat, l’Iran avertissait le gouvernement Netanyahu contre la possibilité de prendre le Liban comme cible d’une éventuelle attaque israélienne. Suite à la tuerie de 12 enfants druzes dans les hauteurs du Golan, territoire occupé par l’État sioniste, celui-ci accusait le Hezbollah libanais et se préparait à une riposte sans précédent sur son voisin du nord. Or, le mouvement chiite proche de Téhéran niait toute implication et blâmait, par contre, la défense antiaérienne israélienne de la responsabilité d’une bévue. D’ailleurs, les parents et proches des victimes, comme la communauté druze en Israël, avaient démontré toute leur colère vis-à-vis de Netanyahu. Il y a eu, quand même, dans les heures qui ont suivi, des assauts de Tsahal sur le Liban menant à l’élimination d’un chef du Hezbollah.
Il y a un autre contexte qu’il ne faut nullement ignorer. Quelques jours auparavant, les principaux composants politiques de la Palestine, y compris le Fatah qui assure l’autorité palestinienne à Ramallah et le Hamas, avaient signé un accord d’union en Chine. Il était question d’un gouvernement d’unité nationale, une nécessité et une obligation face à une menace génocidaire. La division palestinienne n’avait plus sa place. Cette initiative de Beijing ouvrait maintes possibilités pour l’avenir allant d’un espoir lointain de la reconstruction de Gaza à l’émergence d’un seul front, solide et légitime, pour représenter la Palestine, à commencer lors des négociations vers un cessez-le-feu immédiat.
D’ailleurs, seulement quelques jours avant l’assassinat d’Ismaël Haniyeh qui incarnait la diplomatie au sein du Hamas, il semblait que ces mêmes négociations avaient atteint un niveau très avancé, y compris par rapport à la libération des otages israéliens. Le secrétaire d’État américain en vantait même publiquement, le président Biden et la vice présidente-candidate Harris n’ayant pas manqué de rappeler Netanyahu de l’urgence d’arriver à une solution de paix lors de son passage à Washington.
Très ma l accueilli dans son pays après une tournée aux USA où il s’est fait inviter au Congrès, Netanyahu devait savoir que la Chine avait oeuvré pour un rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, bien avant sa toute dernière réussite scellant la réconciliation des différents composants palestiniens. Malgré la tension autour de Taiwan, les Chinois étaient aussi en discussion avec les Américains , particulièrement pour des raisons économiques. Les condamnations de la justice internationale ne cessaient de pleuvoir sur Netanyahu, augmentant la pression sur lui. La dernière en date est la décision britannique de ne pas objecter à son éventuelle arrestation.
QUI VEUT LA GUERRE ?
Qui a intérêt dans ce contexte précis à tout détruire en provoquant une guerre ouverte ? D’ailleurs, dans le cabinet actuellement au pouvoir à Tel-Aviv, il y a une prédominance des faucons. Jamais sans doute y a-t-il eu un gouvernement israélien aussi extrémiste. Non seulement Netanyahu, personnellement, doit faire oublier toutes ses promesses allant de la libération des otages à l’élimination du Hamas, mais il doit aussi éviter à tout prix qu’il soit encore trainé devant les tribunaux de son propre pays, pas seulement celui de la Cour Pénale Internationale de la Haye.
Sans oublier l’impopularité qui l’empêche d’aller vers des nouvelles élections. Quoi de mieux donc qu’éliminer celui au Hamas qui peut être le seul qui soit investi d’une certaine aura au plan international, capable de devenir un leader historique, un peu comme Mandela l’était avant la fin de l’apartheid en Afrique du Sud ? Mais il ne faut pas l’assassiner n’ importe comment et n’importe où. Même s’il sera finalement remplacé, il faut viser plus loin, au-delà de l’impact immédiat d’une telle élimination. L’Iran est l’objectif et il faut agir vite avant que son statut de paria diabolisé s’efface aux yeux de l’Occident avec un nouveau président trop prometteur en place. Dernièrement, la position de Netanyahu devant de plus en plus insoutenable même vis-à-vis ses plus proches alliés.
Il y a eu dans le passé des tentatives de tuer Ismaël Haniyeh comme aussi ses enfants et petits-enfants ont été assassiné lâchement à Gaza. Tout juste vingt ans de cela, l’assassinat du Sheikh Yassin, paraplégique et presque totalement aveugle, et probablement aussi l’empoisonnement de Yasser Arafat, déjà alors affaibli par la vieillesse. D’autres faits de ce genre sont connus contre
tant d’opposants politiques, pas uniquement militaires. Des scientifiques, des médecins et des journalistes son intentionnel lement tués. Ismaël el Ghoul et Rami Al Refee sont les dernières victimes alors qu’ils couvraient l’actualité à Gaza pour Al Jazeera. Mais viser et assassiner directement le chef politique du Hamas alors qu’il est parmi une centaine de représentants de gouvernements étrangers à la prestation de serment du président fraîchement élu de la République Islamique d’Iran est bien plus qu’une provocation ou une riposte.
CONCLUSION
C’est une incitation directe à une guerre totale. Il ne faut pas oublier que suite à l’attaque de l’ambassade iranienne en Syrie, Téhéran n’avait pas hésité à lancer 300 drones et quelques roquettes pour la première fois pointant directement le sol israélien. Étrangement, il n’y a pas eu de victimes et de réaction. Déjà, suite à l’aggravement de la situation au Liban, comme aussi au Yémen sans oublier les agressions sur la Syrie, l’Iran se sentait de plus en plus concerné. En parlant de la Syrie, la normalisation des relations avec le régime d’el Assad se poursuit avec la bénédiction iranienne, mais aussi russe avec Poutine recevant son homologue en grande pompe. La menace de l’OTAN sur la Russie n’arrange nullement les affaires, la Russie condamnant sans tarder l’assassinat d’Ismaël Haniyeh, en même temps que le fait un membre critique de l’alliance, la Turquie. Et suivi par un allié des USA, le Qatar.
L’élimination du dirigeant politique de Hamas ne pour ra qu’éloigner la perspective d’une paix durable. Sauf si l’Occident et le monde prennent acte du jeu extrêmement dangereux de Netanyahu qui est, finalement, non seulement un ennemi de la paix, mais le pire ennemi de son propre pays. Pourra-t-il continuer de massacrer des enfants tout en clamant, encore et encore, qu’il visait un certain « terroriste » ? L’unité du Hamas et du Fatah mettra encore plus à mal son discours, si jamais il avait une quelconque crédibilité, au moins une certaine écoute parmi certains. Si l’accord pour un gouvernement d’union palestinienne aboutisse, il n’y aura plus personne que Netanyahu pourra qualifier de « terroriste ». Un renouveau ou un rassemblement à l’instar de ce que fut l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est évoqué, cet te dernière d’ailleurs fut décrétée association terroriste par Israël jusqu’à l’accord d’Oslo.
Symbole de la résistance palestinienne pendant plus de 40 ans, vainqueur des élections démocratiques à Gaza et Premier Ministre même d’une union des forces politiques palestiniennes qui n’ava it pas duré malheureusement, Ismaël Haniyeh est un homme politique qui a été assassiné surtout dans un endroit qui ne laisse aucun doute sur l’intention du coupable. Reste à savoir si l’Iran n’est pas fragilisé à l’intérieur, une vulnérabilité que le pouvoir sioniste ne manquera pas d’exploiter. Netanyahu cherche-t-il la guerre parce qu’il croit aussi qu’il pourra la gagner non seulement avec le soutien de ses alliés et le silence des dirigeants arabes, mais aussi avec une réelle complicité dans le camp ennemi ?